Bonjour à tous,
Bonne année ! Et bonne santé !
Vous pensez que c’est trop tard pour souhaiter une bonne année? En fait, on peut le faire pendant tout le mois de janvier.
J’espère que vous avez passé de bonnes fêtes et que tout s’est bien passé avec votre belle-famille.
Je pense à votre belle-sœur ou votre beau-frère et surtout à votre belle-mère.
Chez nous, il y avait toujours des disputes1 le jour de Noël entre ma grand-mère et son beau-fils, mon père. Ce n’était pas à cause des cadeaux. Le sujet de la discussion était toujours le même : la cuisson de la dinde2.
Mon père, chef de cuisine, n’a jamais suivi des cours. Il a commencé à travailler, très jeune, dans la cuisine de l’hôtel Florida de Madrid. Il a tout appris sur le tas3 : essayer, corriger, recommencer.
Il avait préparé les mêmes plats des milliers de fois4. Il faisait la béchamel en ajoutant les quantités exactes de beurre, de farine et de lait, sans rien mesurer, à l’oeil5. Il devinait le poids d’un poulet ou d’un morceau de viande rien qu’en6 le regardant. Et, au marché, il choisissait toujours les meilleurs melons.
Quand je lui demandais comment savoir si le poulet était cuit, il me disait : « c’est facile, tu regardes dans le four et tu vois si c’est cuit !»
Mon père avait une connaissance procédurale de la cuisine. Il l’avait apprise après beaucoup d’années de pratique et ne pouvait pas m’expliquer comment cuisiner. Il cuisinait comme il marchait, sans réfléchir7 et toujours de la même façon.
Ma grand-mère par contre, lisait le journal tous les jours et était fan des mots croisés. Elle lisait toujours le mode d’emploi avant d’utiliser un nouvel appareil. Et impossible de faire une béchamel sans sortir son livre de cuisine pour suivre la recette.
Pour faire ses mots croisés, ma grande-mère devait utiliser ses connaissances déclaratives : capitales des pays, athlètes, présidents, films. Si je lui avais demandé combien de temps il fallait cuire la dinde elle m’aurait dit : c’est écrit sur l’étiquette, 20 minutes par kilo plus 90 min, tu dois faire le calcul.
Ainsi le matin de Noël, ma grand-mère lisait l’étiquette de la dinde et calculait le temps de cuisson. Trois heures et trente minutes plus tard, ma grand-mère sortait la dinde du four. Mon père allait regarder et disait : «Ce n’est pas encore cuit !» Et c’est là que commençait la discussion8. Mon père voulait remettre la dinde dans le four et ma grand-mère lui disait qu’il devait lire l’étiquette !
C’était mon père qui avait toujours raison. Ma grand-mère se fâchait parce qu’elle avait tort9 et mon père parce qu’elle avait fait plus confiance à l’étiquette qu’à ses connaissances procédurales qu’il n’arrivait pas à expliquer.
Et quand on apprend une langue ?
Faut-il étudier et faire des exercices de grammaire ou plutôt10 écouter des vidéos et parler ?
Eh bien, je vais vous parler de deux cas extrêmes de mon cours de français de niveau A2.2.
Paulo est le meilleur à l’oral. Il travaille comme serveur et il est en Suisse depuis 7 ans. Il écoute la radio et regarde la télé et parle bien, même s’il fait quelques erreurs de conjugaison. Si je demande un avis à la classe, il est toujours le premier à répondre. Par contre, il ne lit pas et il a de la peine11 à écrire. Il aime apprendre comme mon père, sur le tas. Il a fait un apprentissage procédural, en écoutant autour de lui et en parlant français au travail. Il n’a jamais suivi un cours, étudié avec un livre ou fait des exercices de grammaire.
Pour s’améliorer, Paulo pourrait apprendre l’écriture du français et commencer par lire des livres en français facile. Je pourrais lui expliquer ses erreurs de grammaire et lui proposer des exercices.
Mei Ling, qui est médecin, est la meilleure à l’écrit. Elle vient d’arriver en Suisse. Elle m’a montré le manuel de français qu’elle utilisait à l’école de langues de son pays. Elle a fait un apprentissage déclaratif, comme ma grand-mère. Elle fait peu de fautes dans une dictée. Par contre, si je lui parle, elle ne comprend pas toujours ; je dois répéter. Et quand elle répond, elle parle lentement et doit beaucoup réfléchir. Elle utilise correctement les verbes mais n’utilise pas les expressions courantes12. En plus, son accent asiatique est difficile à comprendre. Elle dit dessà au lieu de dessin.
Pour aider Mei Ling je pourrais essayer de lui expliquer les sons qu’elle ne sait pas faire et lui conseiller d’écouter des vidéos faciles de professeurs de français sur YouTube.
Et puis il y a Évelyne.
Évelyne est en Suisse depuis deux ans. Elle progresse lentement mais sûrement. Elle étudie la grammaire avec des vidéos de professeurs de français sur YouTube. Elle a fait des exercices sur les verbes au passé composé et depuis elle fait attention à dire « je suis arrivée » au lieu de « j’ai arrivé ». Elle s’est inscrite à la bibliothèque de Morges où elle peut emprunter13 des livres en français facile. Elle étudie du vocabulaire avec des flashcards.
Grâce à tout ce travail, quand elle va chez les amis de son mari elle arrive à suivre la conversation du groupe et, si elle se retrouve en tête-à-tête14, avec quelques efforts, elle arrive à avoir une conversation de plus en plus longue15.
Comme Évelyne, le mieux est de faire un apprentissage à la fois déclaratif et procédural de la langue.
dispute: discussion où les personnes ne sont pas d’accord et sont fâchées.
la dinde : sorte de gros poulet que l’on mange à Noël dans certains pays (France, Royaume Uni, etc.)
apprendre sur le tas : apprendre par l’expérience, sans suivre une formation théorique avant.
des milliers de fois : beaucoup de fois.
mesurer à l’œil : mesurer sans utiliser des instruments. Ici : sans balance.
rien qu’en le regardant : seulement en le regardant.
sans réfléchir : sans penser.
discussion: ici chacun a un avis différent et essaie de convaincre l’autre et avoir raison.
avoir tort : le contraire d’avoir raison.
plutôt : de préférence.
avoir de la peine à écrire : écrire est difficile pour lui.
expressions courantes : des expressions que les francophones utilisent fréquemment.
emprunter des livres : prendre les livres temporairement, puis les rendre.
se retrouve en tête-à-tête : ici : elle est seule avec une autre personne.
de plus en plus longue : chaque fois plus longue.